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Titre du blog : Ecolo-J Liège
Auteur : ecolojliege
Date de création : 22-05-2008
 
posté le 28-01-2009 à 16:05:15

La tentation de la peine de mort

 

Lorsqu'un drame d'origine criminelle particulièrement affreux s'empare des médias, il provoque souvent une exaltation pro-peine de mort chez une partie de l'opinion publique. Il s'agit là d'une réaction émotionnelle très vive, due au choc face à la tragédie, la peur et l'angoisse qui en découlent, ou l'envie de vengeance, de punition, que pourrait éventuellement susciter l'horreur à laquelle on assiste, impuissant, par JT interposés. Certains partis d'extrême droite n'hésitent d'ailleurs pas à surfer sur la vague, avec par exemple des campagnes d'affichage « La peine de mort pour les pédophiles » suite aux affaires Dutroux.

 

Par le passé, les médias traditionnels atténuaient ce type de réaction. Toute manifestation publique de son opinion, passant par exemple par le courrier des lecteurs, obligeait à peser le pour et le contre, argumenter, s'exposer à recevoir un avis contraire, un regard désapprobateur d'autrui. De plus, après s'être donné le temps de la réflexion, beaucoup passaient outre leur pulsion instinctive et se modéraient. Aujourd'hui, l'instantanéité des médias électroniques permet des réactions presque simultanées, sans recul aucun sur les faits. Derrière un écran, à distance de l'interlocuteur, voire même dissimulé derrière un pseudonyme (sur un blog ou un forum), le net nous permet de déverser toute notre haine, notre rage ou simplement notre incompréhension.

 

Je suis partagé entre louer les vertus cathartiques de ce genre de comportements, ou les qualifier d'actes d'une extrême lacheté (d'autant plus lorsqu'ils sont anonymes). Lorsqu'ils dérivent jusqu'à des propos racistes, xénophobes, d'incitation à la haine ou au lynchage, ils sont évidemment impardonnables, et peuvent même être punis par la loi.

 

Dans le cas du massacre de Termonde, puisque c'est de cela qu'il s'agit, on a vu beaucoup de réactions épidermiques sur les forums et commentaires d'articles des grands quotidiens, voulant soit réhabiliter la peine de mort, appliquer la loi du Talion, réclamer le droit pour les parents (qui sont loins de le désirer, à mon humble avis) de punir eux-mêmes le tueur, lui faisant subir si nécessaire les pires sévices. En plus du fait que ces actes abaissent celui qui les pratique au niveau du criminel, ils ne permettent en aucun cas d'éviter d'autres crimes.

 

Je ne pense pas m'avancer beaucoup en affirmant que la répression ne fonctionne pas. Plus on construit des prisons, plus on les remplit. Les Etats-Unis, pays hyper-répressif, où l'on pratique encore la peine de mort, le nombre de tués par balle par an est le plus élevé au monde. Bien sûr dans ce cas-ci, extrême, la prévention standard (éducation,...) aurait probablement été insuffisante. Je ne pense pas non plus m'avancer beaucoup en affirmant que le meurtrier, Kim De Gelder, souffrait de très graves problèmes mentaux pour commettre ces atrocités. Ceux-ci, semble-t-il, avaient été détecté par ses parents et des praticiens dès l'age de 16 ans. Certains le diagnostiquaitent schizophrène et proposaient un encadrement thérapeuthique, d'autres voulaient l'interner, d'autres encore ne considèraient pas l'internement comme nécessaire. Je ne suis bien sûr pas expert psychiatre, mais je pense qu'un suivi plus efficace, et plus de places dans les asiles auraient permis, soit de l'interner à ce moment là, soit de détecter par après la nécessité de le faire. Cela reste de la prévention, beaucoup plus efficace que toute répression à laquelle on peut songer aujourd'hui.

 

Je fus un des premiers à être choqué par cette tragédie lorsque la dépêche Belga est tombée (pour l'anecdote, j'avais d'ailleurs changé mon statut Facebook en « Olivier est horrifié » peu après le drame, sur le coup ça soulageait de partager le choc, même virtuellement, même si c'était un peu vain, et formulé naïvement). Mais malgré qu'on se trouve ici indéniablement face à un bourreau et ses victimes, les plus innocentes qui soient, malgré qu'il n'y ait pas de mots pour qualifier les actes de Kim De Gelder, le qualifier lui-même de monstre, de démon, nous permet d'oublier qu'il s'agit pourtant d'un être humain, aussi incroyable et désespérant que cela puisse paraître. La seule chose à faire avec lui aujourd'hui, est bien sûr de l'enfermer, de protéger la société contre sa dangerosité, mais également de tenter de le comprendre (pas de l'excuser), d'étudier son comportement, afin de pouvoir prévoir, par la suite, les dérives similaires potentielles d'autres individus, et d'en limiter les risques.

 

Un autre fait-divers dramatique a eu lieu en Belgique il y a quelques mois. Genevieve Lhermitte a elle aussi mis fin à la vie d'enfants, les siens qui plus est. Elle avait prévenu son psychiatre la veille. A la place de rejeter la faute sur ce dernier, interrogeons-nous. Qu'est-ce qui a poussé cet homme, interpellé par une femme qui déclarait qu'elle allait tuer ses enfants, à ne rien faire ? Lui aussi est-il un monstre, ou simplement un crétin irresponsable ? Non. Il était tout simplement débordé. Il a peut-être reçu 10, 15, ou 20 demandes du même type ce jour-là, et n'a pu donné la suite qui convenait à toutes. Et s'il n'a pas jugé "utile" de l'interner, comme cela a été dit dans certains journaux, c'est probablement parce que les hopitaux psychiatriques sont archi-pleins, et qu'il est presqu'impossible d'obtenir une place dans un centre.

 

En Belgique, nous respectons les droits de l'homme, la peine de mort a été abolie, Kim De Gelder ne sera pas condamné à mort, et c'est une très bonne chose. Il faut maintenant faire face à nos responsabilités, ne pas choisir la facilité en transformant nos crêches en prison, nos prisons en abattoir. Ni balayer le problème d'un geste, en affirmant qu'il s'agit d'un cas isolé et que le risque zéro n'existe pas (malgré que ces affirmations soient vraies, elles ne justifient pas l'immobilisme). Par contre, il nous faut financer les centres psychiatriques, les écoles spécialisées, les PMS, et accorder plus d'importance et de considération à l'aide psychiatrique de première ligne.

 

Olivier Biérin

 

 

Commentaires

Olivier B le 02-02-2009 à 23:18:12
Quelques jours plus tard, un autre texte mériterait d'être écrit à propos du pouvoir des médias. Le jour du drame Kim De Gelder était considéré comme un monstre froid, ricanant devant l'horreur commise, grimé aux couleurs du joker. Quatre jours après, c'était un schizophrène solitaire qu'il fallait protéger de ses codétenus... Vous avez dit manque de nuance ?
Matthieu Content le 29-01-2009 à 17:02:02
Je soutiens ce texte, je suis du même avis et je le trouve bien écrit.